Le Québec est confronté à une crise grandissante en matière de changements climatiques, avec une augmentation notable de la fréquence et de l'intensité des catastrophes naturelles. Feux de forêt, inondations, tempêtes de verglas – ces événements sont devenus des réalités quasi-annuelles. Cette transformation de l’environnement a un impact direct sur l’industrie de l’assurance de dommages, en particulier sur les primes d’assurance. L’augmentation de ces primes est un sujet brûlant pour les consommateurs, les gouvernements et les assureurs. Ce phénomène soulève des enjeux majeurs liés à l'accessibilité de la protection financière pour les propriétaires et les entreprises.
Dans cet article, nous explorerons les raisons sous-jacentes à cette augmentation des primes, les défis auxquels font face les assureurs, et les solutions possibles pour alléger ce fardeau pour les assurés québécois.
Les catastrophes naturelles ne sont plus de simples événements exceptionnels. Au cours des dernières années, la province a été témoin de nombreux événements climatiques dévastateurs. L'ouragan Debby en août 2024, par exemple, a engendré des pluies diluviennes qui ont causé des dommages estimés à 2,5 milliards de dollars. Cet événement a surpassé en termes de coût la célèbre tempête de verglas de 1998, marquant un nouveau sommet dans les pertes assurées.
Ces catastrophes influencent fortement les primes d’assurance. Selon le Bureau d’assurance du Canada (BAC), les inondations et les tempêtes sont devenues des risques majeurs au Québec, entraînant une hausse constante des primes. Entre 2017 et 2024, les primes d'assurance habitation dans certaines régions de la province ont augmenté de 15 à 25 %. Cela s’explique principalement par l’augmentation des réclamations suite aux sinistres climatiques. En réponse, les assureurs sont contraints de revoir leurs modèles actuariels pour refléter les nouveaux risques liés aux changements climatiques.
Toutes les régions du Québec ne sont pas affectées de manière égale par cette hausse des primes. Les zones considérées à risque élevé, telles que celles sujettes aux inondations, subissent des augmentations plus drastiques. Par exemple, les résidents des régions côtières ou riveraines sont particulièrement vulnérables. Après des événements comme les inondations de 2017 et 2019, de nombreuses compagnies d’assurance ont ajusté leurs politiques de couverture, soit en augmentant les franchises, soit en limitant la couverture pour les risques d’inondation.
Cette situation pose un dilemme pour les propriétaires dans ces zones. D’un côté, ils doivent faire face à des primes plus élevées ou à une réduction de la couverture. De l’autre, ils risquent de ne pas être adéquatement protégés en cas de sinistre. Ce phénomène pousse certains assurés à devoir assumer une part croissante des coûts de réparation eux-mêmes, ce qui accroît leur vulnérabilité financière.
Plusieurs facteurs expliquent l’augmentation rapide des primes d’assurance dans un contexte de catastrophes naturelles croissantes. En voici les principaux :
1. L'augmentation des réclamations: Plus il y a de catastrophes naturelles, plus les demandes d'indemnisation augmentent. Les inondations, tempêtes, et feux de forêt des dernières années ont conduit à une multiplication des réclamations. Rien qu’en 2023, l’industrie a traité plus de 160 000 réclamations liées aux événements météorologiques extrêmes.
2. Coûts de reconstruction et pénurie de main-d’œuvre : La hausse des réclamations s'accompagne d'une augmentation des coûts de reconstruction, exacerbée par une pénurie de main-d'œuvre dans l’industrie de la construction. Cela ralentit les réparations et augmente les coûts de main-d'œuvre, ce qui pèse sur le montant des indemnisations versées par les assureurs.
3. Problèmes dans la chaîne d’approvisionnement: La crise de la chaîne d’approvisionnement, aggravée par la pandémie et d’autres facteurs géopolitiques, contribue à l'augmentation des coûts des matériaux de construction. Ces coûts supplémentaires se répercutent directement sur les assureurs, qui doivent ajuster leurs primes pour couvrir ces dépenses accrues.
4. Modèles actuariels: Les compagnies d’assurance utilisent des modèles actuariels pour évaluer les risques et fixer les primes. Ces modèles sont en constante évolution pour refléter les nouvelles réalités climatiques. Les prévisions actuelles indiquent que les événements extrêmes continueront d'augmenter en fréquence et en intensité, obligeant les assureurs à intégrer ces risques supplémentaires dans leurs calculs.
L'augmentation des primes d'assurance habitation et automobile a un impact direct sur les ménages québécois. Pour certains, cela signifie devoir choisir entre payer une prime d'assurance plus élevée ou réduire leur couverture. Les zones à risque élevé sont les plus touchées, mais même les régions traditionnellement moins exposées commencent à ressentir les effets de cette hausse généralisée.
Le coût croissant de l'assurance met également une pression supplémentaire sur l'accessibilité au logement. Les propriétaires doivent désormais intégrer ces hausses dans leurs budgets, ce qui peut poser des problèmes pour ceux qui vivent avec des revenus fixes ou modestes. Pour certains, la seule option est de renoncer à certaines formes d’assurance, augmentant ainsi leur vulnérabilité financière en cas de sinistre.
Face à cette crise, il est essentiel que les gouvernements et les compagnies d’assurance collaborent pour trouver des solutions durables. Plusieurs initiatives sont en cours pour atténuer les impacts des catastrophes naturelles et rendre l’assurance plus accessible.
1. Programme national d'assurance contre les inondations: Le gouvernement fédéral travaille actuellement à la mise en place d’un programme national d’assurance contre les inondations. Ce programme vise à offrir une protection aux propriétaires situés dans des zones à haut risque, où l’assurance privée est devenue trop coûteuse ou inaccessible.
2. Incitations pour la résilience: Certaines compagnies d’assurance offrent des réductions de prime aux propriétaires qui investissent dans des améliorations pour protéger leurs biens contre les risques climatiques. Cela inclut l’installation de pompes de puisard, le renforcement des structures contre les tempêtes, ou encore l’amélioration des systèmes de drainage.
3. Collaboration public-privé: La résilience face aux catastrophes climatiques nécessite une collaboration étroite entre les gouvernements, les assureurs et les propriétaires. Les partenariats public-privé, ainsi que des investissements massifs dans les infrastructures résilientes, seront cruciaux pour atténuer les risques futurs.
L'augmentation des primes d'assurance au Québec est une réponse directe à l'intensification des catastrophes naturelles provoquées par les changements climatiques. Bien que les assurés québécois soient confrontés à des coûts croissants, il est essentiel de reconnaître que cette augmentation reflète la réalité d’un environnement en transformation. Pour que le marché de l’assurance demeure viable, tant pour les assureurs que pour les consommateurs, des efforts coordonnés entre le secteur public, le secteur privé et les individus sont indispensables.
Dans les années à venir, l’industrie de l’assurance devra continuer à s'adapter, en misant sur l'innovation, la prévention et la résilience, tout en œuvrant à rendre les assurances accessibles pour tous les Québécois, même dans un contexte de risques climatiques croissants.